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Chercheur associé à l’Institut de recherche et d’étude sur le Monde arabe et musulman (Iremam), maître de conférences aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, Saïd Haddad estime, dans cet entretien accordé à El Watan, que les élections législatives organisées le 7 juillet en Libye «sont un premier pas vers la stabilisation du pays».

-Un nouveau paysage politique se dessine en Libye. Les affiches électorales présentent des personnalités indépendantes et des partis politiques au nombre de 150. Quels sont, d’après vous, les nouveaux rapports de force actuels en Libye qui pourraient nous donner un aperçu global ?

Il est vrai que le nouveau paysage politique libyen qui émerge est difficile à circonscrire. Ce qu’il faut tout d’abord noter, c’est la victoire que constitue la tenue d’élections législatives plus de 8 mois après l’élimination d’El Gueddafi et la proclamation de la «libération» du pays. En dépit de difficultés de toutes sortes (insécurité, violences, appels à l’abstention, etc.) et d’une certaine virginité politique dans ce domaine, les Libyens se sont rendus à plus de 60% dans les bureaux de vote. Attendons d’avoir les résultats complets pour savoir qui a voté, dans quelle proportion, pour qui, s’il existe des clivages urbains, régionaux, etc. Mais il semble important de souligner ce qui peut paraître comme un exploit…

Pour en revenir à votre question, retenons que c’est également une première et qu’il était difficile de faire un pronostic, tant était grande l’inconnue quant aux aspirations profondes des Libyens. Au-delà de l’échec annoncé des islamistes, les Libyens ont, semble-t-il, voté pour des partis qui leur paraissent moins liés à des forces extérieures – ce qui peut sembler parfois paradoxal – et plus à même de ramener la stabilité, résoudre la question des milices et relancer l’économie.

-Islamistes modérés qui se disent libéraux, Frères musulmans libyens qui revendiquent une indépendance vis-à-vis de la direction générale de la confrérie basée au Caire, salafistes et autres radicaux... Pourriez-vous nous schématiser les divergences et les convergences qui existent entre ces différents courants ? D’une manière générale, y a-t-il un péril intégriste islamiste ?

Toutes les grandes forces (l’Alliance des forces nationales, les Frères musulmans et Al Watan de Belhaj) ont évoqué la charia durant la campagne et dans leur programme. Il y a un consensus sur la notion qui correspond aux aspirations de la société.
N’oublions pas que le régime précédent l’avait réinstauré pour s’attirer les bonnes grâces des opposants islamistes et de la bureaucratie religieuse (ulémas notamment). Mais tout dépend de ce que mettent les uns et les autres dans ce concept.
Cela peut être le simple rappel de normes que tout le monde partage ou une conception beaucoup plus anachronique. Les libéraux semblent avoir une vision modérée en ce qui concerne le religieux et pour eux, cela ne constitue pas la priorité de leur action politique. C’est ce qu’ont voulu dire les Libyens également en leur accordant leur préférence.

-Ces élections participeront-elles à la stabilisation de la Libye et à mettre fin aux conflits intertribaux ?

Ces élections sont un premier pas vers la stabilisation du pays. Elles vont fournir, après la légitimité révolutionnaire, celle des urnes et du peuple libyen. Elles permettront au nouveau gouvernement de mener de manière plus assurée la politique de désarmement. Ces élections ôtent également aux milices l’argument de non-représentativité qu’elles opposaient au CNT. Espérons pour les Libyens qu’elles joueront le jeu et accepteront le verdict démocratique. Concernant les conflits tribaux, la situation est toujours quelque peu tendue, notamment entre les Toubous – qui ont combattu contre El Gueddafi – et des tribus arabes. Cela sera un des défis du nouveau pouvoir de faire coexister toutes ces tribus et notamment de partager équitablement les richesses et la manne pétrolière.

-Les hommes politiques de Benghazi, du moins ceux qui ont appelé à l’autonomie, ont-ils abandonné le projet d’un Etat fédéral ?

En votant pour l’Alliance, et donc pour l’ex-Premier ministre du gouvernement de transition Jibril (qui ne se présentait pas), les Libyens ont également voté pour l’unité politique et territoriale du pays. L’idée fédérale ne passe pas parmi la population et est assimilée à la division et la partition. C’est un échec pour les fédéralistes, et notamment pour les plus radicaux, qui avaient tenté d’empêcher le vote et appelé au boycott.

Cependant, en dépit de cet échec, la question de la dévolution de certains pouvoirs aux régions ou une certaine décentralisation ne manquera pas d’être posée à nouveau. L’autre élément à prendre en compte est la décision prise par le CNT, la veille du scrutin, de faire élire le collège constituant lors d’un nouveau scrutin et non par l’assemblée élue le 7 juillet. Cette décision ainsi que celle d’élire 20 constituants pour chacune des trois régions ont a répondu aux revendications d’égalité dans la représentation et coupé l’herbe sous le pied des fédéralistes de Benghazi.

http://www.elwatan.com/international/les-libyens-ont-vote-pour-l-unite-politique-et-territoriale-du-pays-14-07-2012-178342_112.php

Tag(s) : #Actualite politique
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