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altQuand on est un pays qui a connu les affres de la guerre et de la barbarie quatre décennies durant, l’on ne peut pas se sentir flatté par les sollicitations des autres pays pour exporter notre malheureuse expérience. Je suis bien étonné et même perplexe que c’est le même Tchad dont l’avant-dernier chef de l’Etat est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, avec un nombre de victimes supérieur à celui de Pinochet, qui peine à respecter son propre droit interne dans les moindres domaines, que les plénipotentiaires africains et occidentaux viennent cyniquement solliciter pour aller se charger du sale boulot dans le désert malien ? Je vais évoquer des raisons simples et difficilement réfutables de ma réserve mais je ne m’opposerai pas à l’avènement d’une dynamique régionale concrète contre ce phénomène de l’intégrisme terroriste qui ravage tout le grand Sahel.

La nature du conflit malien :

Schématiquement, c’est une combinaison de faiblesses internes d’un pays engagé dans la voie de la démocratisation d’une part et du reflux d’un autre conflit international mal géré par les pyromanes occidentaux de l’autre. En effet, il était évident que l’expérience d’une démocratie trop consensuelle autour du général ATT a privé la classe politique malienne et son armée de la visibilité nécessaire et efficiente de gouvernance à moyen et long terme. On le voit aujourd’hui avec les querelles insoutenables des militaires putschistes défaits dans le Nord et de la classe politique civile autour de ce qui reste du pouvoir central à Bamako. Or, voilà une situation de force majeure où l’on aurait souhaité voir plutôt une élite politico-militaire malienne debout comme un seul homme autour du danger de l’heure et rien d’autre, pour inciter et encourager à une plus grande solidarité agissante des Africains. Au lieu de cela, des scènes et des actes d’un amateurisme qui ne correspond pas à l’image – finalement faussée – d’un pays modèle en démocratie ?

L’autre dimension est le fait que ce sont les Occidentaux, pressés de mettre la main sur le pétrole libyen, qui ont déclenché ce conflit et donné l’aubaine aux intégristes terroristes de tous poils de se tailler un si vaste territoire au cœur de l’Afrique ! En effet, comment cela se fait-il qu’ils aient été capables de mobiliser les moyens les plus sophistiqués pour traquer le régime de Kaddafi jusqu’à le tuer près d’un égout, et qu’ils n’aient pas été capables de traquer et de détruire les convois d’armes sophistiquées qui traversaient le désert libyen en direction des points sensibles de la sous-région ? Comment peuvent-ils aujourd’hui demander aux Africains de prendre les devants, sachant pertinemment qu’aucun des pays de la bande sahélienne ne s’est préparé et n’a les moyens de mener durablement une guerre qui nous vient des rêves fous des fous du Moyen Orient ? C’est vraiment de l’hypocrisie et nous devons le dénoncer fortement !

Que doit y faire l’armée tchadienne ?

Je demande à mes compatriotes de ne pas se laisser illusionner par ces prétendues mérites de notre armée dont on sollicite maintenant l’exportation massive. C’est un piège à cons et je m’en explique. La réputation de l’armée tchadienne, où l’a-t-elle acquise ces dernières années ? N’est-ce pas sur sa propre population ? D’où vient que nous avions connu plus d’une quarantaine de rébellions armées, des faits de barbaries terrifiantes qui marquent encore nos familles et nous empêchent de nous entendre sur quoi que soit ? A-t-on soldé tout ce passif de notre histoire militaire pour aller « aider » les autres ? Avions-nous évalué objectivement les aventures unilatérales de notre « vaillante armée » en RDC ou en RCA ? Et les répercutions sur la perception du citoyen tchadien lambda qui vit dans ces pays ? 

Les Occidentaux, qui ont les moyens de neutraliser ces bandes de terroristes du désert malien et les réduire en de simples hordes de bandits en dérive à la portée de n’importe quelle armée africaine, y compris l’armée malienne, veulent  nous charger de ramasser leurs « chiottes » et d’en pâtir : c’est encore du néocolonialisme moderne et subtil ! Même l’armée américaine, la plus puissante du monde, prend les précautions de refuser la référence au droit de la guerre pour assurer l’immunité pénale totale à ses soldats engagés dans certains théâtres internationaux. A-t-on assuré IDI que ses officiers et soldats n’auront rien à craindre quand, inévitablement ils seront accusés d’avoir confondu désert tchadien et malien et auront eu la main trop lourde dans leur intervention ? Je ne voudrai pas voir mes braves compatriotes militaires être traînés devant les tribunaux internationaux pour crimes de guerre, sachant que leurs méthodes ne pourraient éviter ce genre de situation.

Qui va protéger les arrières du Tchad ?

Une fois notre armée engagée à l’aveuglette dans ce conflit, les terroristes inscriront le territoire tchadien dans leur cible privilégiée d’attentats à la bombe. Rappelons-nous de la bravoure de la population de la capitale le 22 mars 2006, une panique mémorable sur la simple rumeur. Qu’en sera-t-il quand une première bombe exploserait dans une place publique, réplique des terroristes ? Nos forces de sécurité, qui ont leur réputation établie en matière des droits humains, sont-elles préparées à gérer efficacement la situation si notre implication au Mali devrait connaître une telle réplique de l’ennemi ? Les hautes autorités risqueraient d’être les toutes premières à ordonner à leurs gardes prétoriennes de tirer sur tout ce qui bouge, y compris les opposants, les journalistes trop audacieux et les badauds trop curieux. L’assimilation a été un mal récurrent de l’histoire de la violence politique dans notre pays. Il y a fort à parier que la peur épidermique fera le reste…

Combien de temps pourrait durer le conflit malien ?

S’il faut seulement limiter le conflit et les interventions extérieures sollicitées au territoire malien, il est évident que, même si les troupes tchadiennes étaient capables de jeter dans le désert nu, au prix de grosses omelettes sur la population civile, ces méchant terroristes, la solution durable reste politique et interne aux Maliens eux-mêmes. Nous avions vu comment le désarroi de la défaite au Nord avait poussé à une chasse aux touaregs dans le reste du pays : c’est le plus mauvais signe de la profondeur d’un mal de vivre interne du Mali, comme l’a été le conflit Nord-Sud entretenu pendant longtemps par la classe politico-militaire tchadienne, au-delà de la démesure. Si les Maliens ne démontrent pas maintenant même leur capacité collective à privilégier le sentiment national patriotique intégrateur, les interventions extérieures de solidarité vont se transformer en piège à cons pour les pays qui auront sacrifié leurs troupes dans l’éradication de cette menace. C’est pourquoi, cette fois-ci nous devons exiger du président IDI que la décision d’intervenir procède d’un vrai débat parlementaire et de la consultation formelle d’autres forces vives telles que les associations de droits humains nationaux. 

La menace rampante à l’intérieur même du Tchad

Notre pays est vraiment mal placé, malgré ses « atouts » militaires, pour être en première ligne dans l’intervention au Mali. Nous n’avions pas fini avec les réfugiés soudanais et centrafricains et il y aurait encore du feu sous la braise aux frontières avec ces deux pays voisins. Les compagnons d’armes des terroristes maliens, anciennement membres de la légion islamique de Kaddafi, sont aussi rentrés massivement au Tchad. Avec la gestion clanique, il se pourrait qu’une partie aie été intégrée dans l’armée actuelle. D’autres données sécuritaires relevées par les ONGs pourraient inquiéter à court et à moyen terme. Les ex-étudiants talibés tchadiens de Boko Haram ont été rapatriés par centaines au pays : Dieu seul sait comment fonctionne leurs cervelles actuellement! Si tout parait calme en ce moment, hormis les pratiques d’injustices, de discriminations et de privatisation du patrimoine national, nous savons tous que le feu couve sous les cendres mais que le danger ne viendra pas des Toyota armés venant de l’Est, plutôt du front social entre les Tchadiens A Part Entière et les Tchadiens Entièrement A Part. Et cette bataille décisive et inévitable que les uns et les autres préparent par leur aveuglement, personne ne sait ni quand, ni où ni comment ça va « bomber ». La seule certitude est que les anciens slogans divisionnistes risqueraient de ne plus marcher pour casser le mouvement de masse, une fois déclenché car il y a trop de mécontents de tout bord du système qui vont s’en mêler. A la place d’IDI, je chercherai des solutions durables pour éteindre ce feu latent devant lequel les chars soviétiques ne servent à rien,  plutôt que de risquer les jeunes gens loin dans les sables du Mali !

En définitive, que doit faire le Tchad ?

Ouvrir les yeux avant de se jeter dans ce conflit. Regarder devant et derrière, à gauche et à droite, consulter pour une fois l’élite nationale et non les bouffons. Exiger un mandat international clair et des garanties pour nos soldats, qui fera que notre contingent ne sera pas singularisé mais ne sera qu’une composante égale en responsabilités avec les contingents des autres pays. Exiger aussi fermement aux Occidentaux, qui sont à l’origine de ce conflit dans son récent développement, de prendre leurs responsabilités, de mobiliser les moyens conséquents comme en Libye pour neutraliser l’armement lourd des terroristes. Le reste pourrait alors devenir une ballade de santé pour nos gars habitué à la tâche ! Enfin, que la liste de nos soldats soit connue, ainsi que tous leurs droits pour cette intervention. Leurs mamans ont souffert pour les engendrer et les nourrir, ce ne sont pas des moutons de Tabaski !

Enoch DJONDANG
Libre penseur

http://www.tchadnouveau.com


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