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La rencontre entre les cultures est source d’enjeux ; elle produit l’acculturation et ouvre un champ de réflexion. Quels sont les différents modes d’acculturation ? Le concept s’est-il modifié et quel est le jugement porté actuellement sur celui-ci ? Y a-t-il décadence des cultures originelles. Autant de questions que soulève le problème de l’acculturation.
L’acculturation est un processus qui n’atteint jamais sa finalité, son aboutissement car il n’y a pas de culture fermée, de culture close. L’acculturation est permanente à partir du moment où il y a contact entre groupes humains.

Le concept d'acculturation.

Hérodote, le premier historien grecs, s’est intéressé au contact des cultures. Les non-Grecs sont des Barbares. Il faut attendre les études d’anthropologie pour sortir d’un certain ethnocentrisme sur les relations entre les cultures. Powel a forgé, en 1880, le terme d’acculturation pour rendre compte des transformations culturelles que vivent les migrants arrivant aux Etats-Unis. Le concept d’acculturation est mis au point en 1936 dans le Mémorendum pour l’étude de l’acculturation de Redfield, Linton et Herskovits. L’acculturation est définie : « L’acculturation est l’ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des deux groupes ».
L’acculturation est un processus en cours dont les causes sont externes au groupe. Cela se passe parce qu’il y a rencontre et c’est le sens du préfixe ad-. Le terme est construit de manière dynamique ; il faut donc analyser le processus en cours qui se distingue de la diffusion culturelle. Pour qu’il y ait acculturation, le contact doit être direct et durable. Ce contact entraîne alors des changements dans les modèles initiaux des deux groupes.
L’acculturation est à distinguer du changement culturel ou de la diffusion d’un trait culturel. Dans ces deux cas, il n’y pas de relation :

  • avec le changement culturel qui ne résulte pas nécessairement du contact entre les deux groupes ;
  • avec l'assimilation qui n'est qu'une phase de l'acculturation. On partage alors complètement le modèle de l'autre culture.
  • avec l'intégration qui renvoie à un phénomène social et non culturel. L'intégration c'est la possibilité de participer à la vie de la société. Dans ce cas, c'est la participation qui fonde l'intégration.
  • avec l'enculturation qui est l'apprentissage de sa propre culture.

Le Mémorandum établit une typologie des contacts culturels :

  • selon que les contacs se produisent entre des groupes entiers, entre une population entière et des groupes particuliers d'une autre population.
  • selon que les contacts sont amicaux ou hostiles ;
  • selon qu'ils se produisent entre groupes de tailles approximativement égales ou entre groupes de tailles différentes
  • selon qu'ils se produisent entre groupes de cultures de même niveau de complexité ou non ;
  • selon que les contacts résultent de la colonisation ou n de l'immigration.

Le processus d’acculturation comprend des modes de sélection des éléments d’emprunt ou de résistance à l’emprunt afin de les intégrer dans le modèle culturel d’origine. Les auteurs du Mémorendum insistent sur le fait que c’est le processus entrain de se produire qui doit être analysé et pas seulement les résultats du contact culturel.

Les limites de l'approche.

L’étude est entachée d’ethnocentrisme ; c’est très souvent la forme occidentalisée de la culture qui est privilégiée. Les travaux de Redfield, Linton et Herskovits sont critiqués par Malinowski et par Fernand Ortiz qui proposent le concept de transculturation pour bien montrer le mouvement, le passage et les emprunts d’éléments culturels.
L’acculturation n’est pas un processus simple vis-à-vis de la culture. Il s’agit d’un processus complexe qui doit être explicité. Ces processus se font pas sélection de tendances culturelles (Sapir) ; la sélection de ces traits se fait en fonction de la logique de la culture. Une causalité interne organise la pénétration de la culture externe. Les changements culturels ne se font donc pas au hasard et la culture receveuse n’est pas passive : elle a sa propre logique. Il y a des constantes dans les phénomènes d’acculturation :

  • les éléments non symboliques sont plus facilement transférables que les éléments matériels ou symboliques ;
  • les formes sont plus aisément transférables que les fonctions
  • un trait culturel, quelles que soient sa forme et sa fonction, sera d'autant mieux accepté et intégré qu'il pourra prendre une signification en accord avec la culture receveuse.

Certaines cultures posent des problèmes d’intégration bien que toute culture soit le produit d’une acculturation. Ce qui est essentiel, ce sont les termes d l’échange.
L’acculturation est un phénomène universel qui concerne tous les types de culture.
Les études sur l’acculturation opèrent trop la séparation entre les phénomènes culturels t les phénomènes sociaux. La nature du contact n’est pas étudiée. Il y a une profonde méconnaissance de la dialectique entre culture et courants sociaux.
De nombreuses études tombent dans le travers du psychologisme de l’acculturation. Ce sont des individus qui se rencontrent. Il est donc important de voir comment ils vivent cette rencontre. L’erreur est de rester dans le domaine de la psychologie individuelle. On oublie le rôle que joue le groupe car les individus appartiennent à des groupes sociaux qui ont une mécanique propre., ces groupes pouvant être déterminés par sexe, âge et statut social.
La culture fournit aussi à chaque personne une sensibilité, une affectivité qui entre en jeu dans la construction de l’individu. Il y a interaction entre la personne, le groupe et la culture nouvelle.

Les apports de Bastide sur l'acculturation.

Formé à la sociologie et à l’anthropologie, Bastide est convaincu qu’il ne faut pas dissocier fait culturel et fait social. Il regrette que les études sur les groupes de migrants manquent de profondeur sociologique.
Le mot acculturation n’indique pas que l’acculturation soit réciproque, or l’acculturation est réciproque mais souvent dissymétrique. Il préfère donc le terme d’interpénétration ou d’entrecroisement des cultures.
Bastide insiste sur l’importance de l’étude des structures sociales, des organisations sociales qui influent sur le processus d’acculturation. Il indique la nécessité d’étudier les deux cultures, la donneuse et la receveuse parce qu’il y a interpénétration. Chaque culture est à la fois donneuse et receveuse. Dans ce cadre, les cultures coloniales comme les cultures indigènes doivent faire l’objet d’études.
Bastide propose une typologie des contacts culturels pour éviter l’émiettement des descriptions monographiques et les généralisations abusives. Il propose tris critères fondamentaux :

  • un critère général ou politique qui repose sur la présence u l'absence de manipulation des réalités sociales. Dans ce cadre, trois situations types peuvent se présenter :
    1. une acculturation spontanée, naturelle ou libre ; elle n'est ni dirigée, ni contrôlée par un des groupes en présence ;
    2. une acculturation organisée ou forcée au bénéfice principal d'un groupe. Il y a une volonté de changer le groupe dominé pour le transformer à l'image du groupe dominant ;
    3. une acculturation planifiée, contrôlée qui vise le long terme. On s'appuie sur des éléments culturels pour modifier les comportements. Elle se fait en accord avec les intéressés.
  • critère culturel formé par l'homogénéité ou l'hétérogénéité des cultures en présence. L'écart différentiel entre les cultures est particulièrement important.
  • critère social ou l'acculturation diffère selon qu'il s'agisse d'une société close ou ouverte. Les sociétés closes sont moins perméables aux influences externes ; l'acculturation y est donc plus lente.

Bastide cherche à expliquer les phénomènes d’acculturation en analysant les différents facteurs non culturels qui peuvent jouer un rôle :

  • le facteur démographique. La minorité statistique peut être la majorité ethnique, clle qui détient le pouvoir réel. Les structures démographiques des populations en présence joue un rôle capital, notamment à travers le taux de fécondité, le ratio sexe/âge ;
  • le facteur écologique : quel est le milieu dans lequel se produit le contact ; milieu économique, social, rural ou urbain, etc.
  • le facteur ethnique : quelle est la structure de la relation inter-ethnique ; a-t-on affaire à des relations de domination/subordination ? passage d'une structure paternaliste à une structure concurrentielle ?

Ce qui est essentiel dans l’examen des divers facteurs, c’est de tenir compte des différentes structures possibles de relations sociales. La causalité dialectique doit aussi être prise en compte. La causalité interne d’une culture, c’est son propre fonctionnement, particulier, sa logique propre. Elle peut favoriser ou freiner les changements culturels exogènes. La causalité externe concerne l’influence d’une culture sur une autre.
Le phénomène d’acculturation est un phénomène social total. Les phénomènes culturels sont complexes et peuvent être défavorables dans certaines situations. Dans certains cas, aucune restructuration n’est possible d’où un ethnocide (disparition d’une culture à la suite d’une autre agression culturelle). Les cultures se transforment et se renouvellent en permanence.
Bastide distingue deux niveaux d’acculturation :

  • l'acculturation matérielle.
  • l'acculturation formelle.

C’est celle qui s’inscrit dans les faits sociaux perceptibles. C’est l’acculturation d’un contenu de la conscience psychique ; elle ne doit pas être confondue avec l’acculturation formelle qui repose sur la structure de l’inconscient. Il reprend la théorie de la Gestallt (structure). Dans l’acculturation, il y a transfert des structures du système culturel.
Bastide regrette que ce soit surtout sur le niveau d’acculturation matérielle qui ait fait l’objet de travaux et qu’en France il y a une démarcation profonde entre la sociologie et l’anthropologie d’un côté, de la psychologie de l’autre.
Dans l’anthropologie américaine, l’acculturation formelle n’a pas été prise en compte. Herskovits avait entrevu ce qu’était l’acculturation formelle. La culture des Noirs prolonge la culture africaine. Pour Herskovits, il y a une suite entre l’Afrique et l’Amérique noire. Pour Herskovits, les systèmes culturels sont permanents et se transmettent par héritage.
L’acculturation formelle repose sur le mouvement de la négritude, du retour aux sources de la tradition noire africaine. Le concept est marqué par l’imaginaire occidental comme l’ont montré Senghor, Césaire... Le mouvement est plus politique que culturel, mais cette construction identitaire est nécessaire sur le plan social.
Comment fonctionne le syncrétisme dans l’acculturation formelle. L’intelligence peut être occidentalisée, la sensibilité rester indigène. Le principe de coupure permet de vivre dans un système syncrétique. Matériellement une culture peut avoir disparu, mais exister formellement.
La contre acculturation (mouvement déclenché par des groupes pour inverser l’acculturation) se caractérise par le retour aux sources, le fondamentalisme ; Ces mouvements ne peuvent se produire que si l’acculturation est formelle. Elle suppose une prise de conscience et une relativisation des cultures.

Bibliographie complémentaire.

Bastide R. : Le proche et le lointain. - Ed. Cujas - 1970
Cuche D. : La notion de culture dans les sciences sociales - La Découverte - 1998
Hartog F. : Le miroir d’Hérodote.

Tag(s) : #Tchadiana Presse
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